La Famille Hereman à Engenheiro Coelho (SP)

Johannes Franciscus Hereman et sa grande famille de 14 personnes venus d’Eksaarde, de la province de Flandre Orientale.

Joannes Franciscus Hereman, né à Aalst (1838 - 1908), avait déménagé  à Eksaarde en 1863. Il était considéré comme 'immigrant', et avait comme surnom "Braubander", à cause de son étrange dialecte. En 1863, il épouse une fille d’Eksaarde, Anna Megroet (1841 - 1878) qui lui donne onze enfants. Anna meurt en 1878. Un an plus tard, il se remarie avec Mathilde De Mol (1853-1921) d’Eksaarde également qui lui donne huit enfants. Joannes ou "João" est enregistré comme commerçant en détail et gérant. A "Oosteindeken", il tient un café appelé "'t Land van Aalst" (Le pays d’Aalst). Apparemment, cela n’a pas marché, non seulement endetté dans une brasserie de Lokeren, mais aussi poursuivi par le curé du village qui de sa chaire, interdisait à ses paroissiens de faire des affaires avec João. Une situation financière sans solution, le conflit avec le curé, l’appel du Brésil – à cette époque, de nombreuses incitations à l’émigration apparaissent dans les journaux belges – le décident à quitter Eksaarde. Il émigre en 1888 avec quatorze membres de sa famille, le plus jeune n’avait pas un an. Partant du port allemand de Bremen, ils font la traversée sur le bateau "SS Berlin" jusqu’au Brésil.

L’argent de la famille ayant été volé pendant le voyage, João s’adresse au Consulat belge à son arrivée à Santos, qui lui offre pour quelques jours une assistance financière. Il obtient comme promis une propriété en location dans la province de São Paulo, à environ 200 km de distance. C’était un terrain tout à fait isolé, "à peine du sable, des pierres, des arbustes et des mauvaises herbes". Cinq ans après, la terre était devenue une plantation de café, plante qui ne donne des fruits qu’après cinq ans de travail intense. Il écrivait dans son journal "Si les moissons continuent aussi mauvaises, nous serons comme tant d’autres, obligés à essayer autre chose ou à abandonner tout et rentrer en Belgique". Cependant, la famille Hereman persiste et en 1895, João, achetait un terrain de 200 ha.

Au tournant du siècle, en 1901 Johannes Frans Hereman achete une propriété de 750 ha, la Fazenda São Pedro. Mais aussitôt après cet achat, Johannes, son épouse Mathilde De Mol et trois de leurs enfants dont deux nés au Brésil, retournent à Eksaarde où João meurt en 1908.

Ses deux fils aînés, Theophilus et Peter (Pedro) Hereman reprennent la tête de la plantation. Ils produisent du café qui est envoyé en Belgique et est commercialisé sous le nom de "Estrella de café" (Étoiles du café), des oranges qui sont expédiées en Belgique, en Hollande et au Royaume Uni, des céréales, du coton et du maïs. Peter (Eksaarde, 1863-1932), l’artisan de ce succès, épouse Henriette Krebsky (1870 - 1954), née à Limeira, de parents polonais qui lui donne six enfants. Theophile (Eksaarde, 13/06/1870-1940/07/08), voyage régulièrement du Brésil en Belgique. Il épouse Emma Van de Velde avec qui il a trois enfants. Le plus vieux, Francis, naît à Limeira. Theophile fonde en 1919 à Knesselare, rue 'Rechtestraat', une petite fabrique de torréfaction de café sous le nom de "Estrella Brazileira" et ne revient plus au Brésil . En 1924, il commence une industrie de torréfaction de café sous le nom de "Estrella" dans l’ancienne rue de l’église.

Le logo de l’ Estrella Koffie, clairement inspiré du blason de la République brésilienne, contient cependant les couleurs belges:  le noir, le jaune et le rouge.

La Fazenda São Pedro de 750 hectares offre beaucoup d’emplois qui attirent la population locale qui viennent travailler dans les plantations de café comme individus libres. Peter construit des hangars pour le matériel de travail utilisé dans les plantations, des silos pour les grains de café, des moulins à vent pour l’énergie et des maisons pour les employés, une école, une église et ainsi a été fondée Guiaquica.

Petrus Hereman réussit à faire passer une voie ferrée dans sa Fazenda où a été construit une gare en 1912. Quelques années plus tard, la gare change de nom en hommage à l’ingénieur des chemins de fer Alfonso Constante Coelho et devient la gare Engenheiro Coelho.

Peter qui aimait la musique, fonde une école de musique dans le village et encourage les travailleurs à jouer un instrument. Chaque fois qu’il prenait le train pour un voyage d’affaire ou qu’il rentrait, la bande musicale l’accompagnait.

La propriété prenait de l’ampleur, atteignait 1.000 hectares au point que la culture des arbres à fruits et du café était surveillée à cheval.

En 1921, Peter confie la direction à ses enfants, à sa fille Helena Hereman, mariée à Antonio Alves Cavalheiro, et à son fils Christiano Hereman. La même année, il rentrait à Eksaarde avec son épouse. Cavalheiro devient juge de paix et vice-maire du village de Guiaquica en 1920.

En 1928, Frans Hereman, le fils aîné de Theophile, vient au Brésil pour prendre la direction de la plantation de café, menacée d’être partagée. Il comptait rester à peine six mois au Brésil, mais ne rentre en Belgique qu’en 1940.

Entre 1940 et 1944, Christiano Hereman et les enfants de Cavalheiro et d’Helena Hereman vendent la Fazenda "São Pedro". La zone centrale de 400 hectares est vendue à Forner et de petits lopins de terre aux agriculteurs de café de la région.

En 1980, la torréfaction du café "Estrella" est vendue à VanDeKerkhoves, le torrefacteur de café de Ghent V DK.

Plusieurs rues de la commune d’Engenheiro Coelho ont reçu le nom de famille Hereman, comme l’avenue Pedro Hereman, les rues Helena Hereman et Victor Hereman.

Sources:

L’article "Grenzeloos: De uittocht van de Eksaardse familie Hereman naar Brazilië" de Marie-Madeleine DIERICK, publié dans "De Souvereinen", la revue de "Heemkring van Lokeren" (45 ste jaargang, nr. 3, juli-augustus-september 2014). Mme Dierick s’est inspirée du livre "Retratos De Engenheiro Coelho", de 2011, qui a repris les photos que la famille Hereman de Belgique envoyait aux parents du Brésil, matériel utilisé par l’historien José Eduardo Heflinger Junior et l’ingénieur Edison Fávero, professeur à l’Université de Campinas (Unicamp). 

Texte: Marc Storms

Traduction: Philippe Willemart